Faits divers - Monde

Seul youtubeur à avoir élucidé un cold case en France, Bruno traque les morts sous X et les disparitions dans les Pyrénées-Orientales

Saisonnier dans l’hôtellerie-restauration, Bruno, marseillais d’origine, enquête à ses heures perdues sur les cold cases. Jeune créateur de la chaîne Infocrimes sur le web, il est le seul bénévole de France à avoir résolu une affaire non élucidée vieille de 33 ans. De retour dans les Pyrénées-Orientales depuis décembre 2023, il s’est plongé dans les décès et disparitions suspectes du département durant les années 1985 à 2005. Sans jamais lâcher les traces sanglantes du monstre des Ardennes, Michel Fourniret et de son épouse Monique Olivier.

Ce matin-là, à l’état civil de Perpignan, il épluche les actes de décès des personnes enterrées sous X entre 1985 et 2005. Et repart avec plus d’une vingtaine de dossiers sous le bras, comme autant de cold cases à élucider. Marseillais, âgé de 32 ans, cet ancien commercial dans les foires et salons, tient à rester dans l’anonymat. Ses trois millions d’abonnés le connaissent exclusivement sous son nom de youtubeur, Infocrimes, parfois rebaptisé Bruno, un prénom d’emprunt, par les plus fidèles.

Sur les traces de Michel Fourniret et de Monique Olivier jusqu’à Perpignan

L’affaire de sa vie, qui l’amène à Perpignan depuis deux ans, c’est Michel Fourniret, son épouse Monique Olivier et leurs victimes. « À ce jour, douze d’entre elles ont été identifiées, mais le couple a avoué en avoir tué deux par an pendant seize ans, il reste donc dix-huit cases à cocher, c’est ce que je tente de faire », s’acharne Bruno, installé pour plusieurs mois dans les Pyrénées-Orientales. Auparavant, il a écumé l’Indre, la région nantaise et les Ardennes. « Dans Faites entrer l’accusé, Monique Olivier avait précisé que ses enfants habitaient à Perpignan mais je n’ai rien trouvé qui les rattache au secteur. Par contre, j’ai appris que sa première famille avait résidé dans l’Aude ». En fait, Perpignan n’aurait servi que de point de rencontre à Monique Olivier pour récupérer ses fils. « Il faut qu’elle dise tout ce qu’elle sait avant de mourir », invoque-t-il.

Devenu saisonnier dans l’hôtellerie-restauration, ses recherches bénévoles Bruno les entreprend dès 2005 sur son temps libre, ses loisirs. Passionné de faits divers depuis sa plus tendre enfance, « mes punitions c’était de lire, je les passais à décortiquer les chroniques judiciaires dans la Provence et les polars. Plus tard, j’ai découvert les magazines spécialisés et, dans les années 2000 les émissions true-crimes ». Ces histoires morbides, funestes l’intriguent et l’émeuvent au point de se mettre à la place des familles des victimes. « Elles sont dans l’ignorance, ça me fait de la peine, je me dis sans cesse que puis-je faire pour les aider ? » Sa réponse : « Collecter les avis de recherche, creuser, débusquer des archives, m’organiser et recouper les informations pour essayer de faire des rapprochements. » 

Au fil des ans, cet impressionnant travail de l’ombre et de fourmi, va aboutir. Un exploit. Bruno devient le premier et seul « détective » anonyme à résoudre un cold case en France, voire dans toute l’Europe. Dans un  quotidien belge, le Marseillais tombe sur un article concernant la découverte d’un corps à Verdun, en 1989. « Quand Fourniret a été identifié comme serial killer en 2004, on se demandait si ce n’était pas une de ses victimes vu qu’il était dans le coin, à l’époque. J’ai alors commencé à éplucher tous les avis de disparition en élargissant à l’Europe. Un d’eux pouvait correspondre, aux Pays-Bas. Celui d’une Allemande de 31 ans, Elisabeth Wessels ».

Un an après mon appel, les policiers m’ont confirmé que c’était bien Elisabeth Wessels exclue d’une secte

À l’occasion, il obtient l’acte de décès de cette femme enterrée sous X. « Tout collait sauf l’estimation de la date de la mort », s’emballe le youtubeur qui court à la gendarmerie. « L’agent d’accueil était sceptique. Elle m’a gentiment dit que si les enquêteurs n’avaient pas réussi, ce n’était pas moi qui allais le faire. Pourtant, j’en étais convaincu ». Bruno persiste, téléphone au SRPJ de Nancy, puis à la police néerlandaise qui le prend enfin au sérieux. La machine est en marche. « Au bout d’un an, les policiers m’ont appelé pour m’annoncer que l’ADN avait parlé et que c’était donc bien la même personne. » Heureux pour les proches d’Elisabeth Wessels, il n’ira pas plus loin. « J’ignore si c’est un meurtre ou pas mais je sais que cette étudiante avait rejoint une secte en Hollande et l’avait suivie en France ». Exclue du mouvement, elle avait disparu sur le quai de la gare de Verdun.

Une mission accomplie. « J’essaie de redonner leur nom à des personnes retrouvées mortes dans la rue, jamais identifiées ou enterrées sous X dans des cimetières. Trouver un criminel ce n’est pas mon travail », appuie Bruno qui éviter d’aller au contact des proches, des familles. « Je n’ai pas la légitimité. Ils ont vécu un drame, je ne suis personne pour raviver leur douleur. Je n’ose pas. » L’enquêteur amateur agit avec la même discrétion envers les autorités judiciaires. « Je ne veux pas leur faire perdre leur temps, je ne les contacte pas sauf si j’en suis sûr. »  Cette humilité lui interdit de créer le buzz et lui impose même de taire ses investigations. « À Marseille, je connais beaucoup de monde, je n’avais pas envie que certains me prennent pour une balance et d’autres pour un mec qui joue au détective à la rigolade. À Perpignan, ça va, je suis dégun », sourit le youtubeur qui, à la place de sa photo, préfère illustrer sa chaîne par les visages des disparus(e)s. En guise d’appel à témoins.

« Je m’intéresse aux affaires Tatiana et Bénitez sans trop y croire »

Bruno n’a pas choisi les Pyrénées-Orientales par hasard. « Ici, il a toujours eu des faits divers importants, vous avez eu Van Geloven, Tissier, Rançon… Je me dis que ces tueurs en série ont peut-être laissé derrière eux des victimes qui n’ont pas encore été identifiées », cherche le youtubeur. 

Voilà sept ans déjà qu’il s’intéresse de près à la disparition de Tatiana Andujar, une lycéenne qui s’est volatilisée le 24 septembre 1995 à la gare de Perpignan. « Au départ, je pensais que Tatiana pouvait être une victime de Michel Fourniret. Ce n’est pas le cas mais c’est une jeune femme qui reste disparue, il faut savoir où elle est et ce qui s’est passé ». Sa conviction? « Possible qu’elle soit partie à l’étranger, qu’elle ait refait sa vie sous le nom de son mari. La probabilité d’une fugue existe, même si elle s’éloigne après trente ans. Je vérifie malgré tout si un corps n’a pas été retrouvé dans la région qui corresponde à la jeune fille même si cela m’étonnerait car l’affaire a été très médiatisée depuis toujours. »  De plus, Bruno ne veux pas jouer les policiers, le dossier Tatiana ayant récemment été repris par le pôle cold cases de Nanterre. « Une info intéressante, je conseille à mes abonnés et à tout le monde de la livrer aux enquêteurs, pas à moi », insiste-il.

Autre cas à ne pas lui avoir échappé, celui de Francisco Bénitez. Allison, candidate favorite à l’élection de Miss Roussillon, et sa mère Marie-Josée se sont évaporées il y a dix ans à Perpignan. « Leurs corps n’ont jamais été retrouvés mais c’est plus récent, je préfère travailler sur des affaires plus anciennes, tombées dans l’oubli, dont les médias ne parlent plus. » Néanmoins, Bruno a déjà noté sur une carte tous les endroits où Francisco Bénitez, père et mari des disparues, avait exercé son métier de légionnaire. Il a mis fin à ses jours trois semaines après la révélation des faits. « Je m’y suis penché sans trop y croire. »

Sa dernière quête, enfin, les sectes fortement implantées dans les Pyrénées-Orientales. « Un autre Néerlandais qui séjournait dans le même mouvement sectaire qu’Elisabeth Wessels n’a plus donné signe de vie, lui non plus, depuis la même époque. Je récolte ainsi tout ce que je peux, j’engrange des archives et j’essaie de recouper les éléments. On ne sait jamais. »   

La.M. et C.S.

Bruno sera l’un des principaux intervenants de l’émission « Un jour, Un doc », prochainement diffusé sur M6 et consacré aux personnes qui travaillent sur les cold cases en parallèle des enquêteurs. Un documentaire signé Farrah Youbi et Lucas Robin, chef opérateur. 

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