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Procès des attentats de Trèbes et Carcassonne – Le jeu trouble d’un informateur de la DGSI : « Tout ce que je savais concernant Radouane Lakdim, je l’ai fait remonter »

Ce jeudi 1er février, un témoin anonyme appelé « X », se disant informateur de la direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), a essayé de mettre des mots sur les informations qu’il avait eu sur Radouane Lakdim avant son attentat terroriste, entre Trèbes et Carcassonne, le 23 mars 2018. Ses propos n’ont pas convaincu la cour. 

« Si on m’avait pris au sérieux dès le début au sujet de Radouane Lakdim, il ne serait jamais passé à l’acte. » Cette première phrase prononcée par le témoin « X » donne un léger sursaut à la cour d’assises spéciale de Paris, ce jeudi 1er février. L’homme que l’on voit en vidéoconférence, depuis le tribunal de Carcassonne, se qualifie d’ancienne source de la DGSI. « J’ai travaillé pour elle pendant cinq ans, j’ai arrêté en 2019 après qu’on m’ait mis en porte-à-faux », livre-t-il. 

Pourquoi en porte à faux ? Retour en arrière. Le 23 mars 2018, le terroriste Radouane Lakdim tue quatre personnes durant les attentats de Trèbes et Carcassonne. S’engage alors une longue enquête judiciaire, jusqu’en 2022, à laquelle ce témoin « X » figure en tant que mis en cause, avant la requalification, par les juges d’instruction, en non-lieu. Il avait été mis en examen pour association malfaiteurs terroriste et les délits connexes de cession et détention d’armes. « J’ai fait trois gardes à vue. Durant les deux premières, je n’ai pas dit que je travaillais pour la DGSI. C’est à la dernière que je l’ai expliqué. J’ai compris que c’était grave. » 

En 2014, on m’avait demandé de me rapprocher de Radouane Lakdim 

Le témoin « X » aurait connu le terroriste audois « quand il avait 5 ou 7 ans », en 2010, dans le quartier la Conte à Carcassonne. « Les deux familles étaient proches », affirme la chef de la section judiciaire de la sécurité intérieure avant le témoignage de « X ». Les années passent, on se retrouve en 2014. Radouane a alors 21 ans et il est fiché S. « Cette année-là, on m’avait demandé de me rapprocher de lui que ce soit pour obtenir des informations professionnelles ou personnelles », précise-t-il. Et de poursuivre : « Dès que je savais quelque chose, je le faisais remonter à chaque fois. » Cette phrase, la cour l’a entendue une dizaine de fois en ce neuvième jour d’audience. « Il avait aussi changé dans son comportement. Il parlait des mécréants, de quitter la France pour des pays musulmans. Ce n’était plus le même », résume l’homme anonyme sur l’évolution du terroriste. Des informations que la cour a déjà en sa possession.

L’attrait de Radouane Lakdim pour les armes ? Le témoin « X » n’en savait rien. Son désir de mourir en martyr ? Non plus. Le président Laurent Raviot reste dubitatif : « Tout le monde savait qu’il aimait les armes à feu. Vous n’avez rien dit. Vous le saviez d’autant plus car vous l’avez parrainé à un club de tir. » 

Dialogue de sourds 

Le magistrat émet des doutes sur les relations entre la DGSI et ce témoin : « Officiellement personne nous a dit que vous étiez une source de renseignement. Je considère cela comme acquis car les juges d’instruction avant moi l’ont fait et qu’il y a des éléments à votre sujet dans le dossier », détaille Laurent Raviot. Dans le dossier, des éléments ont été déclassifiés notamment cinq notes sur Radouane Lakdim. La majorité date de 2014, quand le témoin « X » se charge d’obtenir des renseignements sur le terroriste. Une dernière note survient le 19 janvier 2018 : « Si on en fait la synthèse, cette note ne montre pas la dangerosité de l’auteur des faits. »

Deux mois plus tard, quatre personnes perdront la vie dans cet attentat. L’homme anonymisé répond un énième : « Dès que j’avais quelque chose, je le faisais remonter. » Le ministère public et les avocats – parties civiles et défenses comprises – n’ont pas plus de réponses. À la suspension d’audience, Me Font, conseil de l’accusé Reda El Yaakoubi, note des propos intéressants de la part de ce supposé informateur de la DGSI : « Je pense que les services de renseignements ont donné seulement une partie des notes écrites par ce témoin. » 

L’avocate générale, Aurélie Valente, elle, résume ce témoignage en une phrase : « C’est dommage qu’à chaque fois que vous donnez une information, elle est toujours incomplète. » 

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