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Aude : des médecins volontaires pour faire face à la découverte de cadavres

Justice et forces de sécurité se trouvent aussi parfois confrontées à la pénurie de médecins, lorsqu’un cadavre est découvert sur la voie publique ou dans un domicile et qu’aucun praticien n’est disponible pour délivrer le certificat de décès. Afin de réduire des délais préjudiciables aux forces de l’ordre et surtout insupportables pour les proches, une convention vient d’être signée avec l’Ordre des médecins de l’Aude.

C’est un autre effet induit de la pénurie de médecins qui frappe de plein fouet le département. Et cette fois, c’est la Justice qui en pâtit. La problématique peut survenir lorsqu’un cadavre est découvert sur la voie publique ou une habitation, situation bien plus fréquente qu’on pourrait le croire. « En 2023, sur la seule zone gendarmerie, on a compté 263 découvertes de cadavre », indique le colonel Olivier Berger, commandant du groupement de gendarmerie de l’Aude. Dans de telles circonstances, l’intervention d’un médecin s’avère nécessaire pour constater le décès de la personne, et établir le certificat correspondant. Une démarche légalement indispensable, mais qui pouvait faire jusqu’à présent l’objet d’un délai des plus malvenus.

« Il n’est pas toujours simple pour un médecin de se déplacer, compte tenu de sa patientèle », indique Géraldine Labiale, procureure du tribunal de Carcassonne. « Il est fréquent que l’on attende longtemps l’arrivée d’un médecin : ça a pu monter jusqu’à huit heures, une durée totalement inadmissible en matière de dignité pour le défunt ». Se pose aussi le problème de la mobilisation des forces de sécurité intérieures, contraintes d’attendre sur les lieux la venue du spécialiste. Autant d’effectifs ne pouvant être déployés ailleurs pour une durée indéterminée, et la source parfois de décisions aussi nécessaires qu’ubuesques.

20 à 25 volontaires

« Il nous est arrivé de devoir apposer un scellé sur la porte d’un domicile dans lequel un corps a été découvert, le temps qu’un médecin l’examine le lendemain, déplore Géraldine Labiale. Pour moi, il était hors de question de continuer comme cela ! » Depuis un an, tous les acteurs concernés travaillent ainsi à l’élaboration d’une « solution » : elle s’est concrétisée ce lundi 5 février par la signature d’une convention réunissant la procureure de Carcassonne, le procureur de Narbonne Eric Camous, le directeur départemental de la police nationale Laurent Sindic, le colonel Berger pour la gendarmerie… et Bernard Romain, président du Conseil départemental de l’Ordre des médecins. Une composante de l’équation absolument indispensable.

« La situation audoise n’est pas propre à notre département, précise d’emblée Bernard Romain. Nous avons cependant lancé un appel à volontariat à nos médecins, afin qu’ils se rendent disponibles en cas de découverte de cadavre ». La liste constituée compte à ce jour « 20 à 25 » professionnels audois, avec aussi dans le lot une part de médecins retraités. « Nous nous assurons qu’ils n’aient pas quitté la vie active depuis trop longtemps, et qu’ils disposent toujours d’une assurance de responsabilité professionnelle ». Dorénavant, lorsqu’un corps sans vie est localisé, les médecins généralistes du secteur concerné sont en premier lieu sollicités. Faute de réponse, le Samu est contacté, « mais là aussi il n’est pas toujours disponible car il traite avant tout du vivant, les urgences vitales », note Géraldine Labiale. C’est lorsque ces deux options n’ont rien donné que la nouvelle liste apparaît comme une troisième nouvelle voie. « C’est un outil supplémentaire quand les autres possibilités ont été épuisées, résume la procureure. Jusqu’à présent, on bricolait : désormais, nous suivons un circuit bien établi. C’est une pierre de plus à l’édifice ».

Respect

Signataires eux aussi de la convention, les représentants des forces de sécurité accueillent bien sûr cette initiative avec satisfaction, en premier lieu pour une question de respect. « Honnêtement, il était parfois difficile d’expliquer aux familles pourquoi elles ne pouvaient pas encore disposer du corps de leur proche », concède Laurent Sindic. Olivier Berger précise pour sa part que ce souci de médecin disponible « ne concerne que quelques cas », mais que ces derniers deviennent alors « chronophages » pour ses hommes et les mettent effectivement « en difficulté » vis-à-vis de l’entourage du défunt. Pour Géraldine Labiale, la nouvelle convention n’a d’ailleurs pas pour seul objectif de faciliter la vie des instances judiciaires : « Nous lançons aussi ce protocole pour les gens, les justiciables, les citoyens ». Même si d’aucuns reconnaissent que la démarche elle-même constitue une autre illustration du manque de moyens de la Justice en France. « C’est une belle avancée mais qui révèle la situation de notre métier, estime Eric Camous.  Aujourd’hui, nous avons besoin de solliciter la société civile pour pouvoir exercer nos attributions ».

Un rôle crucial

En cas de découverte d’un cadavre, « un médecin se déplace pour s’assurer que la personne est bien décédée ». Dit comme ça, l’explication peut prêter à sourire. Mais dans le cadre d’une telle procédure, il convient de respecter les attributions de chacun. « C’est au médecin de confirmer un décès, pas à un représentant de la justice ou des forces de l’ordre », insiste Géraldine Labiale.

De surcroît, l’analyse du médecin va plus loin que ce simple constat, et ses conclusions ont une importance capitale pour la suite. « Il procède à un examen rapide du corps et va déterminer s’il s’agit d’une mort naturelle, ou si on a affaire au contraire, à ce stade, à une mort violente inexpliquée, détaille la procureure. Dans tous les cas, le médecin va l’écrire dans son rapport de décès, ce qui permet à la phase judiciaire de s’enclencher avec, le cas échéant, le lancement d’investigations supplémentaires ». Qui se traduisent en premier lieu, « la plupart du temps », par la réalisation d’une autopsie livrant des informations plus poussées.

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