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Une première dans les Pyrénées-Orientales : des sapeurs-pompiers vétérinaires au secours des animaux en danger

Domestiques ou sauvages, les animaux blessés ou en difficulté ont désormais leurs sauveteurs dédiés dans les Pyrénées-Orientales où une équipe animalière de vingt pompiers et vétérinaires volontaires s’est officiellement spécialisée dans ces secours de moins en moins insolites. Fusils hypodermiques au poing, combinaisons noires pour uniforme, cordes et lassos en main, ils assurent une nouvelle mission confiée aux soldats du feu par la loi Matras de 2022, la protection des animaux. En plus, évidemment, de celle des biens et des personnes. 

Non, les sapeurs-pompiers ne jouent pas à chat perché. Et ne sortent pas la grande échelle au moindre matou coincé dans un arbre. Or, lorsqu’un cheval tombe dans une piscine privée comme à Cerbère ou qu’une tortue serpentine se balade dans Sorède, ils interviennent en urgence. Formés sur des animaux de réserves comme Sigean ou Casteil, parfois sur des mannequins, voire sur des peluches, les sapeurs-pompiers des Pyrénées-Orientales sont, à l’image de la société, de plus en plus sensibilisés à la condition animale. Au point de créer une équipe spécialisée dans le sauvetage des veaux, vaches, cochons, serpents et autres drôles d’oiseaux.

« Ce projet a germé au Sdis (service départemental d’incendie et de secours) dès 2012. On avait constitué un petit groupe, on vivotait avec les moyens du bord », revoit Christian Pescadere. Pompier depuis 1997, il est aujourd’hui vétérinaire en chef des secours catalans, épaulé dans sa tâche par le lieutenant Frédéric Bellenger, affecté à la caserne de Perpignan sud avant de prendre le commandement de Perpignan Ouest en 2017. Le pompier vétérinaire se réjouit d’obtenir cet officier pour référent. « J’ai joué un rôle de facilitateur administratif pour recruter des volontaires, dynamiser et organiser l’équipe », précise le gradé.

Le lieutenant Frédéric Bellenger et Christian Pescadere responsables de l’équipe animalière du Sdis 66.
L’INDEPENDANT – MICHEL CLEMENTZ

À deux, ils font des émules, rédigent un cahier des charges et ébauchent une « doctrine » destinée à encadrer les missions du groupe animalier. « On n’a pas encore de référentiel national mais il est dans les tuyaux. On a bon espoir pour 2024 », s’accordent les amis des bêtes qui ont déjà réussi à décrocher localement des équipements et une tenue d’intervention, une combinaison noire, passe partout, rapide à enfiler. Le 7 octobre dernier lors de leur formation pratique annuelle d’automne effectuée aux haras de l’association Caramel de Tresserre, ils ne l’avaient pas encore reçue. Par contre, pour le week-end du 29 octobre, les trente pompiers et vétérinaires de l’équipe animalière en seront équipés. « On acquiert du matériel petit à petit, désormais c’est d’un camion dont nous avons impérativement besoin », glisse le lieutenant Bellenger dont les effectifs actuels, cinq vétérinaires des P.-O. et quinze coéquipiers sapeurs, bénéficient déjà d’appareils de levage, de contention, de cages, cordes, lassos, gants et autres protections.

Un simple appel au « 18 » et on intervient s’il existe un danger pour l’animal ou le voisinage

« Un animal blessé ou effrayé peut se montrer très dangereux, nos missions sortent du tronc commun des pompiers, quand on intervient c’est parce que le secours nécessite des techniques et un équipement particuliers », décrit Christian Pescadere. À l’image de cet été, lors de l’incendie de Saint-André où la brigade animalière a été appelée à sauver des équidés en panique, prisonniers des flammes. « On se déploie sur un simple appel au « 18 » mais uniquement lorsqu’il existe un péril pour la bête ou pour l’environnement, le voisinage. »  Un nid de frelons loin d’une école, un chien errant docile, une couleuvre autochtone repérée en pleine nature ne déclenchent aucun dispositif d’alerte. En revanche, si le serpent s’aventure sur la voie publique : action. « On fait toujours comme si c’était une espèce venimeuse. Le Codis envoie des hommes, ils prennent le reptile en photo et transfèrent l’image au central qui la fait visionner par un agent expert. » Après identification, les secours animaliers gèrent la situation. Capture, premiers soins, et remise de l’intéressé dans son milieu naturel ou à un professionnel désigné par la Direction départementale de la protection des populations, les anciens services vétérinaires. 

Tombé dans un bassin d'eau, le cheval a été secouru sain et sauf.

Tombé dans un bassin d’eau, le cheval a été secouru sain et sauf.
D. R.

528 sauvetages d’animaux en 2022 dont un python à Canohès

« Notre principale activité touche aux chevaux et aux vaches, bovins, mais nous pouvons être confrontés à toutes sortes d’animaux y compris les exotiques qui passent les frontières dans des petits colis qu’ils réussissent parfois à percer pour s’échapper », témoignent les sauveteurs qui travaillent également avec l’Office français de la biodiversité. « On ne peut pas garder d’animaux à la caserne, on doit les confier », abondent-ils, s’adressant en priorité aux propriétaires. Sauf, si l’animal est vagabond ou sauvage. Là, c’est au maire de décider. Sinon, pour un chat coincé dans un moteur de voiture ou un chien sans collier, la fourrière fait son ouvrage.

« Récemment, on a rattrapé des paons à Rivesaltes, des perroquets, une cigogne, un python à Canohès, un boa constrictor… les gens s’inquiètent vite mais au final c’est nous qui jaugeons le danger », persiste Christian Pescadere. Il se souvient d’un taurillon enfui d’un abattoir qu’il avait fallu anesthésier à distance. « On a un fusil à air comprimé qui propulse une flèche remplie de produit. L’équipe animalière sait comment préparer les seringues mais seul un vétérinaire a le droit de manipuler des médicaments », rappelle le praticien en balayant l’image d’un éléphant à terre dès qu’un projectile l’atteint. « Chez nous, l’animal met un bon quart d’heure avant de tomber de sommeil », rassure-t-il. 

En 2022, 528 interventions ont été menées par l’ensemble du Sdis des P.-O. dont plus d’une cinquantaine à la charge de l’équipe d’urgence consacrée à la cause animale. Encore trop méconnue pour connaître la cohue.

Sauver la bête sans mettre l’homme en danger

L’équipe animalière ne s’interdit rien. Ni la grande échelle, ni l’hélicoptère de la Sécurité civile. Or, « pour un animal, à l’inverse d’un humain, une machine seule ne pourra jamais dire s’il faut ou pas engager ces gros moyens, trop de paramètres sont à prendre en considération », attestent les secouristes qui se posent par ailleurs toujours la même question : faut-il mettre des vies en danger pour sauver une bête? « La décision est très difficile à prendre. On touche du bois, ça ne nous est jamais arrivé », checkent les compères. Heureux de l’évolution en marche. « Bientôt, tous les départements intégreront le secours aux animaux à leurs missions », anticipent-ils, espérant à terme constituer une discipline à part entière comme le GRIMP, le groupe d’intervention en milieux périlleux.

En pays catalan, un budget prévisionnel est déposé, la démarche engagée. « Le risque animalier est réellement pris en compte pour la première fois cette année, le Sdis nous a consultés, a demandé de faire le point sur nos équipements, on sent une vraie dynamique se développer autour du bien-être animal », se satisfont le lieutenant Frédéric Bellenger et le vétérinaire en chef Christian Pescadere, déjà dévoués à la cause.

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