Économie

Plan stratégique 2024-2028 : Interview avec la Présidente de l’AMMC, Nezha Hayat

Propos recueillis par Zin El Abidine TAIMOURI.

La Présidente de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), Nezha Hayat, a accordé une interview exclusive à la MAP suite à la présentation du Plan stratégique 2024-2028 de l’Autorité et sa nouvelle vision d’un marché des capitaux efficace et innovant sensible avec les orientations économiques nationales.

Lors de cette entrevue, Mme Hayat a exposé les principaux objectifs du Plan stratégique qui vise non seulement à consolider les réalisations antérieures pour renforcer l’intégrité et la transparence du marché des capitaux face aux risques, mais également à faciliter l’accès au financement, à promouvoir de nouvelles solutions, et à accroître le rôle de l’écosystème dans le financement du développement socio-économique du Royaume.

– Tout d’abord, quel bilan tirez-vous de la mise en œuvre des deux Plans stratégiques précédents de l’AMMC ?

Le marché des capitaux a connu ces dernières années des réformes structurantes, notamment la transformation de l’AMMC en autorité indépendante et aux prérogatives élargies.

Les deux premiers Plans stratégiques de l’AMMC nous ont permis de consolider cette transformation, de mener à bien nos missions et nouvelles prérogatives, et de déployer de nombreuses actions visant à renforcer le rôle du marché des capitaux dans le financement de l’économie.

Le marché des capitaux est ainsi doté aujourd’hui d’instruments financiers et de solutions de financement qui permettent de répondre à différents besoins et profils d’investisseurs et d’émetteurs. Il y a lieu de citer, à titre d’illustration, les OPCI (Organisme de Placement Collectif Immobilier), le marché alternatif dédié aux petites et moyennes entreprises (PME), les obligations vertes et durables, etc.

Parallèlement, nous nous sommes engagés durant cette période à renforcer l’approche de supervision basée sur les risques afin de renforcer l’intégrité et la transparence du marché des capitaux.

Dans ce sens, nous avons intensifié qualitativement et quantitativement les contrôles que nous menons grâce à une nouvelle organisation et une nouvelle démarche de conduite des missions de contrôle.

Nous avons également lancé le dispositif d’habilitation en 2019 afin de renforcer les compétences des professionnels qui opèrent sur le marché. Dans ce cadre, plus de 340 personnes exerçant différentes fonctions qualifiées de sensibles ont été habilitées à ce jour.

Tous les chantiers structurants du marché des capitaux sont menés en collaboration étroite avec les professionnels afin d’être au plus près de leurs attentes et des évolutions du marché.

Notre objectif est d’avoir un marché évolutif, en ligne avec les standards internationaux et qui réponde aux besoins de financement de l’économie.

– Quelle est la finalité du nouveau Plan stratégique 2024-2028 et dans quel contexte a-t-il été conçu ?

La vision retenue pour ce Plan stratégique est celle d’un marché des capitaux efficace et innovant, contribuant au développement de l’épargne et au financement de l’économie.

Cette vision prend en considération d’une part, les défis majeurs auxquels nous sommes confrontés en tant que régulateur, notamment la mobilisation de l’épargne, l’accélération des innovations technologiques, le financement de la transition énergétique et la cybersécurité et d’autre part, les besoins et attentes des acteurs du marché des capitaux.

La publication de notre troisième Plan stratégique s’inscrit dans un contexte national particulier, caractérisé par le lancement de plusieurs projets structurants pour notre pays, notamment de grands projets d’infrastructures, pour lesquels des financements innovants à travers le marché des capitaux seront nécessaires.

Ainsi, pour les cinq années à venir, l’AMMC sera pleinement mobilisée pour œuvrer au développement d’un marché des capitaux efficient et accessible, accompagner les nouveaux enjeux de l’innovation financière et de la durabilité, renforcer l’éducation financière au service de la mobilisation de l’épargne et de la protection des investisseurs et adapter notre dispositif de supervision face à un marché des capitaux en constante évolution.

– Quelles sont vos priorités en termes de création de nouveaux marchés et d’élargissement de la base des investisseurs ?

La vision portée par notre nouveau Plan stratégique traduit notre ambition de développer un marché des capitaux qui répond aux besoins de financement et d’investissement des différents acteurs économiques.

Les différents piliers du Plan stratégique concourent à la réalisation de cette vision, avec un accent particulier sur la diversification des solutions de financement disponibles sur le marché des capitaux, ainsi que l’ouverture de ce dernier à un nombre plus important d’investisseurs et de participants.

En termes de création de nouveaux marchés, nous ciblons le lancement effectif du marché à terme prochainement avec la finalisation des dimensions techniques et réglementaires ainsi que le déploiement d’une série d’actions de sensibilisation et d’accompagnement de l’écosystème.

Ce marché offrira de nouvelles opportunités de diversification et de couverture des risques pour les investisseurs, et contribuera à l’amélioration de la liquidité du marché, composante essentielle de son attractivité.

Nous continuerons également à implémenter les réformes entamées sur les autres segments du marché, notamment celui de la gestion collective de l’épargne. Dans ce cadre, nous accompagnerons l’opérationnalisation de la refonte de la loi sur les OPCVM (Organisme de placement collectif en valeurs mobilières).

Cette dernière permettra la cotation des OPCVM à travers les Exchange Traded Funds (ETF) ainsi que l’introduction des fonds à règles de fonctionnement allégées afin de répondre aux besoins spécifiques des différentes catégories d’investisseurs, qu’il s’agisse de grand public ou d’investisseurs dits “professionnels”.

Le dispositif de cotation des OPCI (Organisme de placement collectif immobilier) sera également activé dans l’objectif d’élargir la base d’investisseurs et offrir ainsi une plus grande accessibilité et liquidité pour ce segment de marché.

L’AMMC contribuera aussi au développement d’instruments plus adaptés à divers profils d’investisseurs et susceptibles de mobiliser davantage l’épargne publique.

A titre d’exemple, des instruments à valeurs nominales réduites pourront attirer davantage le grand public, et ceux offrant des expositions plus prononcées sur certains risques ou secteurs pourront être plus attractifs pour certaines catégories d’investisseurs.

Dans cet objectif, nous continuerons à accompagner les différents intervenants du marché pour étoffer l’offre de produits financiers et stimuler la demande des investisseurs en encourageant le recours aux conseillers en investissement financier ainsi qu’à des canaux de distribution efficients, notamment digitaux.

Ces nouveaux marchés et instruments exigent la mise en place d’un dispositif de supervision adapté à leur complexité et leurs composantes technologiques. Ce dispositif s’appuiera aussi bien sur une approche orientée risques que sur l’utilisation d’outils digitaux.

La mise en œuvre de ces actions devrait améliorer la contribution du marché des capitaux au financement de l’économie, en mettant à profit son potentiel important de mobilisation de l’épargne et d’orientation de celle-ci vers le financement de l’investissement productif.

– Quelle place occupe la Bourse de Casablanca, en tant que segment le plus visible du marché des capitaux, dans ce nouveau Plan stratégique ?

La Bourse de Casablanca a fait l’objet ces dernières années d’une profonde réforme visant à améliorer son accessibilité pour les entreprises et son attractivité pour les investisseurs.

L’architecture du marché boursier a été revue en introduisant une segmentation plus fine, selon différents profils d’entreprises et d’investisseurs. Un marché alternatif a ainsi été mis en place pour la cotation des titres émis par les PME, avec des règles d’admission et de séjour allégées.

Des compartiments ont également été réservés aux investisseurs qualifiés pour permettre la cotation et la négociation d’instruments financiers adaptés à cette catégorie d’investisseurs.

Toutefois, et malgré le potentiel qu’ils offrent, ces dispositifs ne sont pas assez utilisés. Par conséquent, le Plan stratégique de l’AMMC prévoit des mesures visant à améliorer l’attractivité de la Bourse et en faciliter l’accès pour les entreprises et les investisseurs.

En premier lieu, l’AMMC accompagnera les différentes initiatives visant à développer le marché boursier, en particulier la feuille de route que la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et la Bourse de Casablanca ont lancée récemment avec notre soutien.

Nous contribuerons à la réalisation des objectifs de cette feuille de route, notamment en appuyant les mesures qui y sont prévues en vue de faciliter le financement des entreprises, particulièrement les PME.

L’AMMC accompagnera également l’opérationnalisation des dispositifs de cotation de nouveaux types d’instruments, des titres libellés en devises ou encore ceux émis par les personnes morales étrangères.

– Dans quelle mesure ce nouveau Plan stratégique répond-il aux besoins du Maroc en matière d’investissement, notamment en prévision d’événements majeurs tels que la Coupe du Monde 2030 ?

Le Royaume est engagé dans plusieurs chantiers majeurs de transformation et dans des stratégies de développement socio-économique dont les ambitions requièrent de maintenir un rythme soutenu d’investissement public et privé dans divers secteurs de l’économie.

La réalisation de ces investissements nécessite la mobilisation de financements conséquents, qui dépassent les ressources bancaires et budgétaires traditionnelles.

Le marché des capitaux marocain, grâce aux réformes engagées ces dernières années, notamment en lien avec le financement d’infrastructures tels que les “project bonds” et “municipality bonds”, est en mesure d’apporter des réponses à ces différents besoins.

Ainsi, le nouveau Plan stratégique de l’AMMC vise à favoriser l’utilisation des solutions existantes et à en faciliter l’accès pour les divers acteurs économiques. Il traduit également une forte volonté de déployer de nouvelles solutions innovantes tout en s’inspirant des orientations de développement national.

– Envisagez-vous la mise en place de mécanismes de suivi et de contrôle pour assurer le bon déploiement de ce nouveau Plan stratégique ?

Depuis l’élaboration du premier Plan stratégique de l’AMMC en 2017, nous avons mis en place un dispositif de suivi qui nous permet de suivre en permanence la mise en œuvre de l’ensemble des chantiers prévus.

En 2020, ce dispositif a été entièrement digitalisé. En effet, dans le cadre de la stratégie de transformation digitale de l’Autorité, nous nous sommes dotés d’un outil de pilotage et de suivi des réalisations qui offre une vue d’ensemble des actions menées.

Chaque année, nous élaborons un bilan de nos réalisations et depuis 2021, nous publions également nos priorités d’action annuelles et les présentons aux acteurs de notre écosystème.

De plus, des réunions périodiques sont fréquemment organisées avec ces opérateurs afin de discuter des chantiers en cours, des évolutions de l’environnement et des sujets à accélérer.

Ces échanges ainsi que la publication de nos priorités confèrent une agilité d’action à l’AMMC afin d’être au plus près des attentes des acteurs du marché et des réalités de son environnement.

Ainsi, la proximité avec notre écosystème et le recours à un outil interne de suivi des actions, nous permettent de nous assurer du bon déploiement de notre Plan stratégique.

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