Économie

IFC : Interview avec le directeur régional pour l’Afrique du Nord et la Corne de l’Afrique, Cheick-Oumar Sylla

    Propos recueillis par Zakaria Belabbes.

Rabat, 03/02/2024 (MAP) – En visite de travail au Maroc le directeur régional de la Société financière internationale (IFC) pour l’Afrique du Nord et la Corne de l’Afrique, Cheick-Oumar Sylla, a accordé un entretien à la MAP où il est revenu sur les engagements de l’IFC vis-à-vis du Royaume, le rôle du secteur privé marocain et la dynamique du développement économique et social du Maroc.

1-Vous avez signé aujourd’hui un partenariat avec l’AMDIE pour promouvoir les investissements directs étrangers dans le secteur industriel au Maroc. Quels sont les objectifs de ce partenariat ?

Je me réjouis de signer, au nom d’IFC, un partenariat stratégique avec l’Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations (AMDIE) qui a pour objectif de promouvoir les investissements directs étrangers dans le secteur industriel du Maroc.

Nous aspirons à consolider le rôle du Maroc comme destination de premier plan pour les multinationales qui souhaitent raccourcir leurs chaînes d’approvisionnement.

IFC, qui a pour mandat plus de 60 ans d’expérience pour promouvoir l’investissement privé dans les pays émergents, s’associe naturellement à l’AMDIE pour étudier et propulser de nouvelles idées d’investissement. Nous souhaitons aider à mobiliser l’investissement privé international pour soutenir les grands chantiers du Maroc.

Le Royaume est déjà une destination de choix pour les multinationales dans des secteurs clés tels que l’automobile et l’aéronautique. Il a réussi à mobiliser des investissements étrangers dans des domaines aussi variés que la finance, les engrais, l’industrie manufacturière comme l’automobile et l’agriculture, créant, ainsi, des écosystèmes industriels compétitifs et intégrés aux chaînes de valeur mondiales.

Nous sommes convaincus que le Maroc peut devenir une plateforme industrielle décarbonée et compétitive reliant l’Europe, l’Afrique et les États-Unis grâce à sa position géographique stratégique.

Pour mettre les choses en perspective, le Maroc a enregistré une croissance remarquable des investissements directs étrangers, avec une hausse de 22% de 2020 à 2022, à l’heure où les investissements directs étrangers ont connu une baisse mondiale de 24% sur la même période, selon l’OCDE.

Le Maroc est déjà le deuxième investisseur continental en Afrique. Et dans le cadre de notre stratégie au Maroc, nous soutenons aussi l’expansion des entreprises marocaines sur le continent africain.

Nous accompagnons les secteurs clés de l’économie marocaine en Afrique, à travers des partenariats avec des banques marocaines phares telles que BCP, Attijariwafa Bank et Bank of Africa, mais aussi des entreprises industrielles comme l’OCP, CIMAF ou Dolidol.

2-Depuis 1962, IFC a travaillé avec plus de 100 partenaires au Maroc et a mobilisé et investi plus de 3,5 milliards de dollars dans des projets. Quel bilan faites-vous de cette coopération ? 

Nous sommes fiers de jouir d’excellentes relations avec le Royaume du Maroc, qui est un pays stratégique pour IFC.

Le Royaume est un véritable laboratoire d’innovations pour IFC car nous y avons testé de nouvelles idées et y avons réalisé plus de 25 transactions pionnières, dont beaucoup ont été reproduites dans d’autres pays d’Afrique et dans d’autres régions.

Nous avons, par exemple, conseillé le ministère de l’Agriculture du Maroc pour mettre en place le premier partenariat public-privé (PPP) au monde dans le secteur de l’eau – Guerdane (région Souss-Massa) en 2005.

Nous avons contribué au développement du premier fonds de capital-investissement sur la Bourse au Maroc, et nous avons accordé le tout premier prêt commercial sans garantie souveraine à une collectivité territoriale marocaine, en faveur de la région de Casablanca-Settat.

Nous accompagnons actuellement le Maroc pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés dans le cadre de son Nouveau Modèle de Développement, et nous comptons développer des projets en nous concentrant sur le financement des collectivités locales pour réduire les disparités en matière d’infrastructure à travers le Maroc.

D’autres initiatives apporteront un soutien aux entreprises publiques dans leur transition vers des pratiques plus écologiques et des plans de décarbonation.

Par ailleurs, nous déploierons des efforts pour verdir le secteur textile, élargir l’accès au financement pour les petites et moyennes entreprises, et renforcer les initiatives visant à garantir la sécurité alimentaire. Nous souhaitons aussi continuer à favoriser l’expansion des entreprises marocaines en Afrique.

3-Quelles sont les priorités d’IFC au Maroc ?

Depuis six décennies, l’IFC soutient l’essor du secteur privé au Maroc par le biais d’investissements et de services-conseils. Nous soutenons les efforts déployés par le Maroc pour atteindre ses objectifs de développement et nous renforçons nos activités autour de quatre piliers stratégiques.

Le premier concerne la croissance verte et inclusive, en accompagnant la décarbonation de l’industrie marocaine et le verdissement du système financier et en nous positionnant sur de nouvelles frontières comme l’hydrogène vert.

Nous avons signé, à ce titre, 10 engagements d’assistance technique au cours de l’exercice 2023, notamment avec la Banque Centrale Populaire, le ministère de l’Industrie et du Commerce et l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH).

Le deuxième pilier concerne le développement régional dans le cadre du soutien aux projets d’infrastructure régionaux. Pionnière en matière de financement municipal et régional, IFC a réalisé le premier prêt commercial sans garantie de l’Etat à une collectivité locale ,dans la région de Casablanca Settat.

Plus récemment, l’Investor Day que nous avons co-organisé avec la région de Guelmim-Oued Noun a mis en avant les possibilités d’investissement dans plusieurs secteurs phares de l’économie de cette région à haut potentiel, notamment l’économie bleue, l’écotourisme, les énergies renouvelables, dont l’hydrogène vert et l’agriculture durable.

Concernant le troisième pilier du soutien aux réformes du secteur privé, nous soutenons l’ambitieux programme de réformes du gouvernement dans ce domaine. Nous appuyons le conseil de la concurrence pour promouvoir une concurrence saine et loyale et nous soutenons le fond Fonds Mohammed VI pour l’Investissement. Nous sommes également déterminés à promouvoir l’entreprenariat et à soutenir l’écosystème des start-ups.

Enfin, le développement des entreprises marocaines sur le continent africain. Nous assistons depuis plusieurs années les grandes banques marocaines en Afrique notamment pour financer les petites et moyennes entreprises, notamment dans les secteurs financier et manufacturier.

Nous avons octroyé, récemment, des financements à plusieurs champions marocains dans différents secteurs de l’économie tels que OCP Africa, Holmarcom (assurance/services financiers), CIMAF (production de ciment) et Dolidol (fabricant de literie).

4- Quelle est votre appréciation des efforts du Royaume en matière de mobilisation du secteur privé dans la dynamique du développement économique et social du Maroc ?

Je tiens à saluer les importantes réformes que le Gouvernement marocain a entrepris en faveur de l’essor du secteur privé, un moteur de la création d’emplois et de croissance économique durable et inclusive.

Le Maroc a su se doter d’un environnement des affaires favorable à l’essor du secteur privé et d’une autorité de la concurrence respectée et je suis fier de notre partenariat avec le Conseil de la Concurrence qui fait un travail important pour assurer l’ouverture des marchés.

Pour ce qui est de la Charte de l’investissement, qui fait partie d’un ambitieux programme de réforme pour augmenter la part de l’investissement privé de 1/3 à 2/3 de l’investissement total d’ici à 2035, nous saluons ce signal fort de l’engagement des pouvoirs publics à promouvoir le secteur privé.

Plus précisément, nous saluons les mesures prévues dans la Charte visant à faciliter l’acte d’investir, favoriser le développement des PMEs, celui des régions et stimuler l’employabilité des femmes.

Je suis ici au Maroc également pour poursuivre notre collaboration avec le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement, suite à notre partenariat signé en juin 2023, une étape clé pour développer et financer des projets d’infrastructures à fort impact dans le pays, l’un des secteurs clés de l’économie marocaine.

Nous avons aujourd’hui de grandes ambitions pour notre programme au Maroc. Nous avons déjà investis et mobilisé 470 millions de dollars dans huit projets et nous aspirons à atteindre des engagements d’un milliard de dollars au Maroc pour notre année fiscale.

C’est un montant conséquent qui témoigne d’un véritable élan en faveur de l’investissement privé au Maroc porté par les réformes du Gouvernement.

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