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Durant la Seconde Guerre, plus de 400 aliénés seraient morts de faim à Limoux : l’histoire méconnue de l’asile psychiatrique de la ville

Un pan de cette période sombre du pays, quelque peu méconnue, est ravivé par des historiens et des familles qui retracent les parcours de leurs aïeux.

De 1827 à 1978, le couvent de Limoux a servi d’asile psychiatrique, avant de se laïciser et de devenir le principal hôpital psychiatrique du département. Durant cette période aux antipodes des thérapies actuelles, ils étaient plus de 1 600 aliénés internés en 1940.

Dernièrement, des personnes se sont penchées sur les traces de leur passé ou de celui de leurs aïeuls. Ainsi, un Allemand, descendant de Martha Heymann, internée à cette époque dans l’asile limouxin, a effectué des recherches sur son parcours. Comme de nombreux autres malades, elle est décédée de malnutrition durant la Seconde Guerre mondiale. Ce conflit se traduisit en effet dans l’Hexagone par de drastiques restrictions. Alors que le régime de Vichy met en place les tickets de rationnement, les aliénés sont-ils volontairement oubliés de toute attention en la matière ?

Marguerite, la mère supérieure en charge de l’établissement a eu beau alerter les instances dirigeantes sur la sous-alimentation des malades, rien n’y fit.

« Négligence »

L’historienne Isabelle Von Buelzingsloewen, auteure de L’hécatombe des fous et Morts d’inanition, estime plus de 45 000 malades sont ainsi morts de faim ou de malnutrition dans le pays durant cette période.

Dans la cité blanquetière, l’effectif en date de 1940 est de 1 600 personnes. Il se réduit à 1 016 en 1943 et à 918 en 1944. Soit une baisse de plus de 600 internés en quatre ans. Dans son livre Le couvent des fous, Giordana Charuty relatait en 1980 : « Les décès sont si nombreux que certains Limouxins ont encore le souvenir des allées et venues quotidiennes du curé entre l’asile et le cimetière ». « En revanche, note l’écrivain, je ne pense pas qu’il faille voir là une volonté délibérée d’extermination. À ce titre, on ne peut pas parler de génocide, mais tout simplement et globalement de négligence ». De lourdes négligences ayant sans doute entraîné la mort de nombre de ces personnes internées.

« Carences alimentaires »

Les médecins de l’asile, ainsi que les divers responsables locaux ont dénoncé cette situation à l’autorité préfectorale. Mais ces appels sont restés lettre morte et le pouvoir en place n’a pas réagi. Malgré tout, le sous-préfet de l’arrondissement a envoyé un énième courrier en juin 1943 soulignant « l’impérieuse nécessité de prendre en compte les carences alimentaires dont souffre l’ensemble de la population de l’asile ». Il lui est répondu « qu’il n’est pas envisageable d’accorder un supplément à ces malades dans des temps où la population saine est elle-même rationnée ».

Une bien triste conclusion pour cette population qui n’a obtenu aucune considération.

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