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Cour d’assises des Pyrénées-Orientales- Jugé pour avoir tué un ami handicapé : « Vous me prenez pour un assassin mais moi, j’ai rendu service »

Au deuxième jour de procès, ce jeudi 5 octobre 2023, l’avocate générale a requis une peine de 20 ans de réclusion criminelle assortis d’un suivi socio-judicaire pendant 10 ans à l’encontre de Spencer Trevisan, jugé pour avoir tué un ami « vulnérable », amputé d’une jambe, en septembre 2019 à Perpignan. Le parquet ne veut pas croire à la version, maintenue par l’accusé, selon laquelle il aurait roué de coups et étranglé la victime « à sa demande ». 

Sans garde-fous. Égal à lui-même. Spencer Trevisan n’a pas fait dans la dentelle ce jeudi face à la cour d’assises. « Je vais pas inventer pour vous faire plaisir ! Oui, c’est moi qui l’ai tué, c’est malheureux mais c’est moi. J’ai fait ce qu’il m’a demandé. Point barre », s’emporte-t-il au moment de s’expliquer sur la mort de Marc Leroux, « un pote », dit-il, amputé d’une jambe à la suite d’un accident de moto et sujet à des moments de déprime. Cet homme, de près de 20 ans son aîné, Spencer Trevisan le connaissait « depuis gamin ». Tous les mois, quand il allait récupérer sa pension d’invalidité à Perpignan, il passait chez Marc Leroux, ou plutôt « Neunoeil », dans son appartement du 4 impasse de Torreilles pour boire le café. De temps en temps, il venait avec son berger allemand quand son copain l’appelait à l’aide pour chasser les squatteurs qui s’incrustaient à son domicile et profitaient de sa gentillesse, de sa vulnérabilité, de son peu d’argent ou de son trop d’alcool. Cette fois, « Neunoeil » lui avait encore téléphoné pour lui dire qu’il avait été cambriolé et qu’il avait besoin d’un coup de main pour sécuriser sa porte. Spencer Trevisan avait accouru, avait posé ses sacs. Et le « bienfaiteur » s’était transformé en meurtrier.

« On dormait pas, on discutait et on buvait toute la nuit, on fumait pas mal », raconte Spencer Trevisan. Jusqu’à ce matin du 20 septembre 2019 et l’engueulade. « Son appartement était infesté de punaise de lits et de blattes », prétend l’accusé. « On s’est pris la tête pour l’eau parce que je voulais nettoyer et faire des machines pour laver le linge ». « Il a essayé de me jeter une bière à la tête. Il m’a dit : « il faut que tu partes » et j’ai fini par le tuer. C’est pas beau ce que j’ai fait ».

« Je me suis mis sur lui, je l’ai étranglé et je l’ai étouffé avec un coussin sur son visage »

Spencer Trevisan poursuit son récit, sur un même ton détaché. « J’ai pété les plombs. J’étais pas dans mon état normal. J’avais un traitement mais je l’avais arrêté parce que je pensais être guéri ». D’abord, il a donné « à peu près une quinzaine de coups à la tête et à la tempe » de Marc Leroux « puis une quinzaine au plexus ». « Après, je me suis mis sur lui, je l’ai étranglé et je l’ai étouffé avec un coussin sur son visage. J’étais dégoûté de moi. J’ai pris son pouls. Il était mort », livre-t-il. Puis, Spencer Trevisan asperge l’appartement d’alcool à brûler, met le feu avec un briquet, ferme la porte et s’en va. « Il voulait être cramé, je l’ai cramé. Ceux qui disent que c’est pour effacer mon ADN, c’est des conneries ».

La salle reste sans voix. Et Trevisan ne s’arrête pas. S’il a commis ces actes, c’est qu’il avait une raison. « Pendant trois jours, Neunoeil m’a demandé de lui ôter la vie et j’ai essayé de l’en dissuader. Il disait : je veux mourir, tue-moi, tue-moi, crève-moi. Je lui ai répondu : tu vas me faire partir pour 20 ans. Le quatrième jour, on s’est mis en condition et le cinquième jour je me suis occupé de son cas, je l’ai monté en l’air. Vous me prenez pour un assassin mais moi j’ai rendu service ».

Après le drame, Spencer Trevisan part en Espagne « pour oublier », « pour faire des courses », « pour s’amuser » et « boire ». Quand il rentre, il se rend à la police. « Je leur ai raconté un gros mitonnage de fou furieux pour essayer de m’en sortir ». Et il finit par avouer, « mangé de remords ». Mais pourquoi des remords s’il a agi « sur demande » ? « Parce que ça ne se fait pas d’enlever la vie à un pote ».

Une version incompatible avec les traces de défense relevées sur la victime

L’avocate générale, Elodie Torres, s’est montrée catégorique ce jeudi dans ses réquisitions. « La gravité des faits dans ce dossier est extrême ».  Et de rappeler : « L’euthanasie n’est pas autorisée en droit français.Cet argument selon lequel il aurait agi de façon altruiste, n’a aucune valeur juridiquement ».

De toute façon, la version de Spencer Trevisan n’est pas compatible, selon elle, avec les conclusions médico-légales qui ont révélé des traces de lutte et de défense sur le corps de Marc Leroux, comme l’ont plaidé les avocats des parties civiles Mes Philippe Capsié et Sylvie Muffat-Joly.

Pour le parquet, le mobile est ailleurs, dans « la personnalité très troublée de cet homme qui ne supporte pas la contradiction ». « Avec de l’alcool et des toxiques il passe très facilement à l’acte, d’autant qu’il était en rupture de soins. Là, c’est une bombe humaine », ajoute-t-elle, sans contester la maladie psychiatrique dont souffre l’accusé, défendu par Me Georges Bobo. « Vous tiendrez compte de cette altération du discernement (dans ce cas la peine maximale est ramenée de perpétuité à 30 ans de réclusion criminelle NDLR). Pour autant, c’est quelqu’un de très dangereux socialement et au plan criminologique », termine l’avocate générale, avant de réclamer une peine de 20 ans de réclusion criminelle assortis d’un suivi socio-judiciaire pendant 10 ans.

Verdict attendu ce vendredi 6 octobre 2023.

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