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Cour criminelle de Perpignan – Jugé pour avoir mutilé un ami : « Si on continue, on va finir par le retrouver en train d’égorger une infirmière, un psychiatre ou un juge »

Un homme d’une quarantaine d’années est jugé depuis ce jeudi 2 novembre 2023 par la cour criminelle des Pyrénées-Orientales pour avoir frappé un ami en janvier 2021 à Saint-Laurent-de-la-Salanque, à coups de poing, de pied, de poêle et de radiateur d’appoint. Des violences ayant occasionné pour la victime la perte de l’usage d’un œil. Or, d’emblée, la personnalité de l’accusé, souffrant de troubles psychotiques, pose le débat de la place des malades, entre hôpital et prison.

Ingérable. Depuis le box, l’accusé interrompt en permanence. La quarantaine, le visage creusé, une barbe grisonnante et un regard agité bleu glacier, il coupe la parole, lève le doigt, s’agace à haute voix, perdu dans son monde. À peine une heure et demi que la cour criminelle des P.-O. a ouvert les débats ce jeudi que le président l’expulse, en attendant qu’il retrouve un peu son calme. Il n’aura pas fallu plus longtemps pour que cet homme, à lui seul, rouvre les plaies du grand dilemme de la société entre justice et psychiatrie.

Tous le disent, Sylvère Duroux est un « cerveau abîmé » et « dangereux ».  Depuis son plus jeune âge, il souffre de troubles psychotiques. Persuadé que les autres devinent sa pensée, il développe une idée de persécution, qu’il « soigne » par une prise de drogue effrénée dès l’adolescence. Cannabis, héroïne, Subutex, méthadone, mais aussi sulfate de morphine… sont ses seuls sujets d’affection. Sa « désintégration sociale » se résume ainsi en quelques mots : la rue, les tentatives de suicide, les centres de soins spécialisés et la prison.

« Au bout de trois semaines, on l’a laissé sortir de l’hôpital « 

Au-delà des douze mentions au casier pour vols, dégradations…, il s’en est pris à une aide-soignante et une infirmière de l’équipe de l’hôpital de Thuir en novembre 2019. Elles étaient venues à son domicile, alors qu’il avait à nouveau attenté à ses jours. Il s’était mis en rage, avait asséné une multitude de coups de poing au visage de l’une d’elles, avait frappé la seconde qui essayait de s’interposer, et alors qu’elles s’enfuyaient en courant, il les avait poursuivies avec un couteau en les menaçant : « Je vais vous planter, vous saigner ».

En janvier 2020 (un an avant les faits qui lui sont aujourd’hui reprochés), il est relaxé, car déclaré pénalement irresponsable de ses actes, et fait l’objet d’une hospitalisation d’office. « Au bout de trois semaines, on l’a laissé sortir. Ils nous ont dit qu’ils avaient géré la crise mais qu’ils ne pouvaient rien faire de plus »,  raconte sa mère. « Nous, on a essayé. Mais là, on jette l’éponge, on ne sait plus quoi faire pour l’aider ». Les parents, chauffeur livreur et secrétaire d’université en retraite, ne l’ont jamais lâché. Mais Sylvère Duroux a épuisé leurs forces et leur bienveillance. « Ça a été très dur. Il est persuadé qu’il va bien », confie-t-elle. « Un jour, il a tout cassé dans la maison et m’a dit d’aller crever en enfer. Même s’il ne m’a jamais fait de mal physiquement, après ça, j’avais peur de rentrer chez moi le soir. Ma seule question est : si mon fils est libéré, qu’est-ce qu’il va se passer pour lui ? »

« La drogue est l’arme de beaucoup de faits divers »

« Oui, qu’est-ce que l’on va faire de cet homme ? » s’interroge le président de la cour, Charles Pinarel. « Si on continue, on va finir par le retrouver en train d’égorger une infirmière, un psychiatre ou un juge. Faut-il une peine importante pour protéger la société ou une hospitalisation qui, visiblement, n’a pas fonctionné jusque-là » ? L’expert psychiatre qui a conclu à une altération du discernement (ce qui abaisserait d’un tiers la peine maximale encourue de 20 ans de réclusion), n’a pas de réponse. « Ce type de personnes, les hôpitaux psychiatriques ne peuvent pas les gérer », avoue-t-il. « La drogue est l’arme de beaucoup de faits divers. Et en prison, on trouve plus de stupéfiants qu’à l’extérieur. En fait, en France, il faudrait des unités spécialisées intégrées aux centres pénitentiaires pour les personnes souffrant d’addiction, qui représentent un tiers de la population pénale, avec des mesures de contraintes. C’est tellement compliqué… »

Alors la psychiatrie s’en remet à la justice pour trouver la prescription pénale adaptée à cet accusé. Laissant un sentiment effrayant d’impuissance généralisée. 

Décision attendue ce vendredi 3 novembre 2023. 

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