Le Maroc est à la croisée des chemins en matière d’éducation. Alors que le gouvernement annonce des changements majeurs dans son système de soutien aux familles défavorisées, des inquiétudes émergent quant à l’impact sur la scolarisation des enfants les plus vulnérables.
Il y a seize ans, le roi Mohammed VI lançait l’initiative « Un million de cartables » pour aider les familles démunies face aux coûts de la rentrée scolaire. Ce programme, qui visait à fournir des fournitures scolaires à un million d’enfants dans le besoin, était considéré comme un pilier de la lutte contre le décrochage scolaire.
Cependant, le gouvernement a récemment décidé de remplacer cette initiative par un soutien financier direct aux familles bénéficiaires du système d’aide sociale. Cette décision, approuvée lors d’un conseil de gouvernement en juillet dernier, prévoit le versement de sommes supplémentaires aux familles pour chaque nouvelle rentrée scolaire.
Les montants alloués varient selon le niveau scolaire : 200 dirhams pour les élèves du primaire et du collège, et 300 dirhams pour ceux du lycée. Ces sommes s’ajouteront aux allocations mensuelles déjà versées aux familles dans le cadre du système d’aide sociale directe.
Un changement controversé
Ce changement de politique a suscité un débat animé au sein de la société marocaine. Certains observateurs du secteur de l’éducation craignent que cette décision ne contribue à augmenter le taux d’abandon scolaire. D’autres estiment que le soutien financier direct offre plus de flexibilité aux familles pour répondre à leurs besoins spécifiques.
Abdallah Ghmimat, secrétaire général national de la Fédération Nationale de l’Enseignement (FNE), considère que cette décision représente un désengagement de l’État envers ses obligations sociales. Il souligne que le montant alloué est insuffisant pour compenser les avantages de l’ancienne initiative et craint une aggravation du décrochage scolaire, en particulier chez les familles les plus pauvres.
En revanche, Noureddine Akouri, président de la Fédération des associations de parents d’élèves au Maroc, minimise l’importance de la suppression du programme « Un million de cartables ». Il rappelle les problèmes logistiques et psychologiques liés à la distribution des fournitures et estime que le soutien financier direct est préférable.
La Ligue des libraires du Maroc salue cette décision, considérant qu’elle rend justice aux petits libraires et leur redonne de l’importance. Hassan Muatasim, président de la Ligue, souligne que ce changement permettra aux consommateurs de choisir librement leurs fournisseurs locaux pour l’achat de livres et de fournitures scolaires.
Malgré ces changements, le système éducatif marocain reste confronté à des défis majeurs. Un récent rapport du Conseil National des Droits de l’Homme révèle une augmentation inquiétante du taux de décrochage scolaire, avec 334 664 élèves ayant quitté l’école durant l’année scolaire 2023-2024.
Le rapport met également en lumière la baisse de la qualité de l’enseignement, le Maroc occupant des rangs peu enviables dans l’enquête PISA 2022 : 71e en mathématiques, 79e en lecture et 76e en culture scientifique sur 81 pays participants.
Face à ces défis, le rapport recommande l’adoption d’une stratégie globale pour lutter contre le décrochage scolaire. Cela inclut un soutien pédagogique et psychologique accru pour les élèves en difficulté, l’expansion du réseau d’établissements scolaires dans les zones rurales et défavorisées, et l’amélioration des services de transport scolaire.
Alors que le Maroc s’efforce de réformer son système éducatif, l’avenir de millions d’enfants est en jeu. Les prochains mois seront cruciaux pour évaluer l’impact de ces nouvelles mesures sur la scolarisation et le bien-être des familles les plus vulnérables du royaume.