Économie

Délais de paiement, une nouvelle ère se profile à l’horizon

Par Kawtar CHAAT.

Les délais de paiement peuvent s’avérer de véritables fardeaux aux fonds de roulement des entreprises, et il n’est pas si compliqué d’en deviner les raisons. Entre la guerre russo-ukrainienne, l’inflation, l’augmentation des taux d’intérêt et le resserrement monétaire, les entreprises se sentent de plus en plus tendues. Toutefois, les délais de paiement étendus ne sont pas sans conséquence sur la compétitivité des entreprises et les chaines d’approvisionnement. Détails.

Aujourd’hui plus que jamais, la volatilité économique pousse les particuliers et les entreprises de toutes tailles à étendre les dates d’échéance des factures. En prolongeant les délais de paiement avec leurs fournisseurs, les entreprises peuvent ainsi conserver plus de liquidités pour faire face aux défis financiers, les particuliers peuvent, de leur côté, développer un flux financier sain car leurs dépenses sont retardées alors que leurs revenus sont les mêmes.

Délais de paiement prolongés : qui paie le prix ?

Préoccupations chroniques des entreprises, les délais arbitraires et les retards de paiement sont rejetés dans le monde des affaires. Le prolongement des échéances pourrait compromettre la relation des entreprises avec les fournisseurs qui devront ainsi subir des charges de trésoreries importantes susceptibles d’atteindre mêmes des pénuries, ce qui pourrait capturer les entreprises dans un cycle consistant à combler les écarts de trésorerie pour faire avancer les projets.

Dans cette conjoncture incertaine, le Maroc a initié une réforme des délais de paiement, apportant ainsi de grands changements au traitement de la problématique des délais de paiement et instaurant un paysage industriel propice à l’évolution en faveur d’un paiement équitable et ponctuel.

La Chambre des représentants vient d’adopter, en janvier, le projet de loi n°69.21 édictant des dispositions particulières relatives aux délais de paiement. Il prévoit de fixer le délai maximum de paiement, s’il est convenu entre les parties, à 120 jours au lieu de 90 jours et ce, à partir de la date de facturation au lieu de la date d’exécution de la prestation ou de la livraison de la marchandise, ainsi qu’un délai exceptionnel ne dépassant pas 180 jours aux professionnels des secteurs à caractère spécifique ou saisonnier.

Le nouveau texte prévoit également l’application d’une amende de 3% au profit de la Trésorerie générale du Royaume (TGR) pour le premier mois de retard de paiement, et une majoration de 1% pour chaque mois supplémentaire.

Cette mesure diminuera, sans doute, le prolongement des délais de paiement. Sauf que la réalité des entreprises demeure très complexe et l’une des sources de complexité est fidélisation des clients. Un flux de trésorerie stable est certes crucial pour toute entreprise, vu que celles contraintes à des délais de paiement prolongés courent des risques financiers, mais gagner et fidéliser les clients, qui semble dépendre de la simplification des conditions de paiement entre autres, est aussi important que ces dates d’échéance.

“Des fournisseurs qui livraient et patientaient pour se faire régler ont rompu ces habitudes y compris avec des clients de longue date. Les risques d’insolvabilité font peur et c’est ainsi que se forme un cercle vicieux: peur de souffrir de délais de paiements ou d’impayés, et crainte de perdre des clients”, regrette le président de l’Association des réseaux économiques Europe-Afrique, Mohamed El Ouahdoudi.

“Nous vivons actuellement la période post-covid avec ses difficultés. Paradoxalement, les entreprises qui ont des difficultés ont une double peine : elles doivent régler avant livraison, au vu de la rareté des produits et de l’envolée des prix, et subir des retards de paiement de la part des clients”, a-t-il dit, notant que le cadre législatif consolide un environnement des affaires transparent, performant et respectueux de de l’intérêt des entreprises,

Relations interentreprises : doublure argentée des délais de paiement étendus

Meilleure capacité à respecter les obligations commerciales, moins de dépendance à l’endettement, et des flux de trésorerie plus solides, la fixation des conditions de paiement n’est certainement pas anodine, mais elle n’en est pas moins criante d’opportunités, surtout pour les PME.

De nombreuses grandes firmes exigent des délais de paiement prolongés de la part de leurs fournisseurs. Ce qui signifie pour les PME d’accepter des retards dans le paiement des factures comme prix pour collaborer avec des entreprises de renom, tandis que ces dernières disposent d’un moyen d’augmenter le fonds de roulement et davantage de liquidités pour les projets prioritaires.

Ce compromis implique sans doute que ces PME devront adopter des alternatives de financement pour maintenir le flux de trésorerie, mais pouvoir s’associer à des grands noms, offre à ces entreprises un moyen d’assurer leur crédibilité auprès d’autres clients potentiels.

Cela dit, une bonne relation inter-entreprises dans ce cas nécessite un véritable consensus avec les fournisseurs pour mieux percevoir leurs cycles de coûts et aligner les délais de paiement prolongés sans nuire à cette relation.

La digitalisation, un frein aux frictions des paiements ?

Bien que les systèmes de gestion intra-entreprise actuels puissent aider les opérateurs à suivre les retards, le processus manuel de prise de notes sur chaque compte et d’appel ou d’emailing des clients prend du temps et coûte cher.

La numérisation de ces systèmes et des processus de recouvrement de créances peut ainsi transformer la façon dont les entreprises gèrent les retards de paiement. Les solutions numériques donnant la priorité aux paiements peuvent réduire les frictions qui contribuent aux retards de paiement et créer une culture de paiements ponctuels.

À ce propos, M. El ouahdoudi a souligné que “le processus de paiement peut être digitalisé en grande partie, voir en totalité, et protéger ainsi de tous les risques, notamment celui de la corruption”.

Pour lui, “l’amélioration des délais de paiement est une préoccupation trop importante pour qu’elle soit gérée sur du papier, son automatisation et sa digitalisation sont plus urgentes que les procédures de punition”.

“Le cachet et la signature ne sont plus d’actualité, on peut utiliser la signature électronique pour toutes les factures, toutes les entreprises, on gagnera beaucoup avec le zéro papier”, a estimé Mohamed El Ouahdoudi.

Force est de constater que les attentes des marocains pour des paiements plus pratiques et sécurisés s’accélèrent. Les entreprises devront ainsi franchir le pas et opter pour les logiciels de suivi et de traitement des paiements et des documents de paiement.

Les canaux numériques peuvent, en effet, amener les entreprises au bout du tunnel. Accepter les paiements électroniques aidera certainement ces entreprises à être payées plus rapidement.

Media7

Media 7, votre source d’actualités en ligne. Notre mission est de fournir des informations précises, impartiales et à jour sur les événements nationaux et internationaux qui comptent pour vous.
Bouton retour en haut de la page