Par Kawtar CHAAT.
Au moment où le Maroc s’engage dans une nouvelle ère de financement alternatif, le crowdfunding émerge comme une véritable révolution pour les porteurs de projets et un catalyseur de l’investissement, en particulier privé, dans le Royaume.
Ce mode de financement, qui permet aux porteurs de projets de lever des fonds auprès du public via des plateformes en ligne, continue de susciter un intérêt croissant, notamment après l’annonce par Wali de Bank Al Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, lors d’un point de presse en juin dernier, de l’octroi de trois agréments pour des sociétés de financement collaboratif au Maroc, incluant une plateforme pour la catégorie “don”.
L’approbation de ces nouvelles sociétés de financement collaboratif par la Banque Centrale, couplé au soutien stratégique du projet PROMET (Promotion de l’Entrepreneuriat), dirigé par l’agence de coopération allemande (GIZ) et le ministère de l’Economie et des Finances, amorce une métamorphose significative du paysage du financement national.
En alliant réglementation renforcée et opportunités de financement inédites, le crowdfunding s’apprête à redéfinir les règles du jeu économique dans le Royaume.
Selon la loi 15-18, ce type de financement peut prendre la forme d’un investissement, d’un prêt avec ou sans intérêt, ou d’un don. Le Maroc a récemment mis en place un cadre réglementaire pour encadrer ces opérations, avec l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) régulant les plateformes de type investissement, et Bank Al Maghrib supervisant celles de don ou de prêt.
Soutien institutionnel au crowdfunding
Apportant un appui technique aux sociétés de financement collaboratif (SFC), en les aidant à obtenir les agréments nécessaires et à opérationnaliser leurs plateformes, le projet PROMET, qui court jusqu’en juin 2025, vise à favoriser le développement économique durable et à soutenir les stratégies de relance économique nationale.
Il soutient également les porteurs de projets en facilitant leur accès au financement collaboratif et en renforçant leur capacité à lever des fonds.
Le projet inclut des initiatives d’éducation financière et de sensibilisation à grande échelle pour informer le public et les investisseurs potentiels sur les nouveaux mécanismes de financement collaboratif.
Crowdfunding au Maroc : quid des opportunités et des défis ?
Le crowdfunding présente plusieurs opportunités pour le Maroc, notamment en tant que financement alternatif pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) et les startups.
Il encourage également l’innovation, la créativité et la participation communautaire à des projets d’intérêt commun.
C’est ce qu’a affirmé Adil Benzakour, expert en financement bancaire et crowdfunding, qui a souligné que “le crowdfunding offre une alternative viable aux sources de financement traditionnelles telles que les banques et les investisseurs institutionnels”.
Les prévisions mondiales des fonds à lever par le crowdfunding sont estimées à 300 milliards de dollars en 2025, a-t-il noté.
Toutefois, le secteur doit surmonter plusieurs défis, portant essentiellement sur l’amélioration davantage du cadre réglementaire et fiscal, ainsi que sur la sensibilisation quant à l’importance du crowdfunding et la vulgarisation des concepts qui lui sont liés.
De plus, assurer la transparence et la sécurité des transactions est essentiel pour gagner la confiance des contributeurs.
Vers une réglementation stricte et efficace
La loi 15-18 a structuré le financement collaboratif au Maroc en trois catégories (don, prêt et investissement). Les sociétés de financement collaboratif doivent obtenir un agrément préalable pour exercer leurs activités.
La réglementation impose des exigences strictes pour assurer la transparence et la sécurité des opérations, y compris l’ouverture d’un compte bancaire dédié et la mise en place de dispositifs de connaissance du client.
Pour les plateformes de type investissement, l’AMMC joue un rôle clé en délivrant les agréments nécessaires. Depuis la mise en place des circulaires d’application en 2023, le crowdfunding régulé est désormais opérationnel. L’AMMC a mis en place un portail internet dédié pour fournir des informations et traiter les demandes d’agrément.
Pour que le crowdfunding devienne un levier efficace de financement au Maroc, M. Benzakour recommande plusieurs mesures clés. D’abord, il est essentiel d’améliorer le cadre réglementaire en définissant une fiscalité adaptée et en clarifiant les règles du secteur.
Il a en outre insisté sur la nécessité de renforcer la sensibilisation et la confiance à travers des campagnes éducatives qui permettront d’informer le public et les entrepreneurs sur les avantages et le fonctionnement du crowdfunding.
L’expert a préconisé la mise en place de mécanismes garantissant la clarté des campagnes de financement et la sécurité des transactions, en plus de l’optimisation de la mobilisation des fonds grâce à des stratégies de marketing efficaces pour atteindre un large public et maximiser les contributions.
“Le crowdfunding représente une opportunité prometteuse pour le Maroc, offrant une alternative aux méthodes de financement traditionnelles. En surmontant les défis et en exploitant pleinement les opportunités, le secteur du crowdfunding peut jouer un rôle crucial dans le développement économique et social du pays”, a avancé M. Benzakour.
Une chose est sûre : le crowdfunding est en train de prendre les rênes du paysage financier marocain, et avec les bonnes mesures, il pourrait révolutionner la manière dont les projets sont financés et soutenus, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle ère de prospérité et d’innovation.